Si je le vois, je l’étrangle ! J’ai comme l’impression qu’il se fou de ma gueule ce foutu gosse. Je l’aime bien, il est sympathique, vif, et vert. On devait se retrouver au pub hier soir, et il m’a fait poireauter et n’est jamais venu. J’ai pourtant été très patient sur ce coup-là, j’ai l’ai attendu un bon bout de temps, et j’ai même été jusqu’à aller dans les alentours pour vérifier s’il n’y était pas. Il se rend compte que mine de rien, je m’inquiète pour lui ? Depuis hier soir, je ne cesse de me demander ce qui a bien pu lui arriver, sans parler du fait que le retrouver sur cette île n’est pas une mince affaire… quant à le retrouver en vie, plus je mets de temps à retrouver Jae Geon plus cela signifie qu’il a pu faire une mauvaise rencontre, et qu’en ce moment même, il agonise peut-être quelque part. Cette idée me fait alors encore plus bouillir de rage. Après l’avoir rencontré, je me suis mis en tête de faire de lui un compagnon de route : beaucoup moins chiant que JS (je ne me sens vraiment pas capable de supporter quelqu’un comme lui… Jae Hwa m’impressionnera toujours pour ça), de la bonne faction et débrouillard (ce qui là encore est une qualité que je ne suis pas sûr de pouvoir –ou vouloir- attribuer au toutou de Jae Hwa), il n’est peut-être pas très sociable mais il n’en reste pas moins d’une compagnie agréable. Pour toutes ses raisons, plus le temps passe, plus je m’inquiète pour lui. J’étais censé le protéger ; veiller à ce qu’il reste en vie autant pour la sauvegarde de Battle Royale que pour l’amitié que je commence à nourrir envers lui.

J’ai alors décidé de remonter la ville, la fouiller entièrement puis aller en direction de notre dernier point de rencontre en espérant le retrouver, ou avoir ne serait-ce qu’une idée de par où il a pu aller. Si tôt le soleil levé, j’ai commencé ma recherche. Je sais qu’il est vivant, sinon son nom aurait été cité lors de l’annonce du matin : deux heures sont passés depuis cette dernière. Deux heures ce n’est pas beaucoup, mais sur cette île cela peut suffire à tout faire basculer. Ma plus grande crainte est de le retrouver presque mort dans la ville, alors qu’il se rendait à notre point de rendez-vous. A l’armée, on m’a appris à donner des soins basiques, mais en toute honnêteté ce n’est vraiment pas mon fort : en témoigne la manière dont j’ai soigné ma dernière blessure. Alors s’il est gravement blessé, je ne pourrais rien faire pour lui si ce n’est abréger ses souffrances… et je ne veux pas avoir à le faire.

Bien décidé à le retrouver coute que coute -et lui donner une bonne baffe s’il est aussi frais qu’un gardon- j’approche du dernier bâtiment de la ville. S’il n’y est pas, mes chances de le retrouver son pour ainsi dire nulle. Mais un élan d’espoir me prend quand je pénètre dans l’établissement scolaire : la poussière semble avoir été soulevée au niveau de la porte. Quelqu’un est passé par ici il n’y a pas très longtemps… ce pourrait être quelqu’un d’autre, venu ici il y a plusieurs jours, ou alors ça pourrait être lui. Avec beaucoup de chance, Jae Geon est encore ici.

Après avoir inspecté le rez-de-chaussée je monte au premier étage, prêtant attention à la moindre chose sortant de l’ordinaire. Une ombre près du mur me donne un instant l’impression qu’il y a quelqu’un caché derrière une porte, mais ce n’est au final que l’ombre de la fenêtre juste en face. Je fouille partout, de plus en plus stressé. Mes derniers espoirs s’envolent à chaque pas que je fais. Chaque grain de poussière suspect éveille en moi l’envie de soupirer de satisfaction, jusqu’à ce que je me rende compte qu’il n’est pas là, pas plus qu’il n’était caché dans l’ombre de la fenêtre.

Au second étage, je pousse la première porte à droite, pénétrant dans une salle de classe aux bureaux renversés, aux craies éparpillées… et au visage juvénile de Jae Geon. Il n’est ni mort, ni agonisant. Le soulagement de voir que rien de grave ne lui est arrivé m’empêche de voir l’ai étrange qu’il arbore : je me contente de soupirer et de le regarder un long moment, réfléchissant à la réaction à adopter. Dois-je lui donner une baffe pour m’avoir posé un lapin ou lui faire part de toute l’inquiétude que j’ai ressentie en ne le voyant pas arriver ? J’opte finalement pour une mixte des deux :

« Putain Jae Geon, je me suis fait un sang d’encre ! »

Et plutôt deux fois qu’une :

« Tu foutais quoi bordel ?! »