« Maman, pourquoi ne manges-tu pas… ? ». « Maman, s’il te plaît ne pleure plus… ». « Maman, maman… s’il te plaît maman, réveille-toi ! ». « Maman, réveille-toi ! Debout ! ». « Maman, enlace-moi… ». « Maman, je suis là. ». « Maman, regarde-moi. Juste une fois, regarde-moi… ». « Maman, ta fille est là… devant toi. Maman… ». Une douleur, tel un coup de couteau. Une cicatrice, dessinée à jamais. Une histoire écrite noire sur blanc, donc le passé ne changera jamais. L’histoire de Lee Na Yung, enfant née un 31 décembre, ce dernier jour de l’année d’habitude si festif. Une jeune fille qui n’a rien demandé, pas même de naître, mais qui pourtant a subi les foudres du monde humain, du monde des adultes. Leur cruauté, leur égoïsme. Les lois qu’elle n’a même pas écrite. Dans un monde aussi froid que la neige est né ce petit ange aux ailes brisées. Qui, dans un futur encore vide de mot, deviendra une femme forte, dont l’arme sera son sourire, et son bouclier son cœur.

Na Yung est née d’un amour partagé entre deux humains, deux êtres qui se chérissait corps et âme, mais qui malgré tout partageait deux avis différents sur un seul et même sujet. La naissance du bébé. Lorsque la mère de l’enfant découvrit sa grossesse, elle ne put prévoir la réaction de son mari, qui fut aussi fatale que banale. En effet, le père ordonna qu’elle avorte, un refus catégorique de la future maman, qui voyait son rêve se réaliser. Une famille allait pouvoir se fonder sous son toit. Une nouvelle vie allait voir le jour. Le bonheur ne pouvait être qu’à son comble. Elle tenta donc de convaincre son mari, qu’elle pensait tout autant fou amoureux, d’accepter cet enfant, le sien. Les mois passèrent, les disputes se dissipèrent, la femme pensa le combat gagné. Le jour de la naissance arriva enfin et Na Yung vit les lumières de l’hôpital pour la toute première fois, dans un bain de sang et une symphonie de pleurs. Tout allait bien, tout était parfait, jusqu’à ce que la jeune mère découvrit le départ de son mari, ou plutôt, de son ex-mari. Selon la lettre qu’elle trouva sur la table du salon, à son retour, ce dernier demandait un divorce rapide. Seulement alors, la jeune femme compris que ses absences à l’hôpital n’étaient en aucun cas liées à son travail, et son nouveau monde s’écroula. Sa raison s’envola. Son âme ne fut que poussière que sa fille devrait ramasser à la poussière. Na Yung ne connue donc pas cet amour maternel dont les humains parlent si souvent. Sa grand-mère s’occupait d’elle, restant vivre sous leur toit pour répondre à chaque besoin du bébé. Vers ses quatre ans, lorsque la fillette commençait à comprendre ce qui l’entourait et à réaliser l’état de sa mère, elle tenta de tourner autour de sa « maman », l’appelant, l’enlaçant, essayant de la faire rire. Jamais elle n’eut de réponse et, d’après les adultes, la femme qu’elle appelait maman avait été victime d’un choc mentale dont il serait sûrement impossible de l’en sortir, si ce n’est par un miracle qui n’existait pas.

Son sixième anniversaire éteignit ses six bougies sur le gâteau. La jeune fille se sentait enfin grande, elle pensait être devenue une adulte. Elle commença ses allers-retours à l’école et, lorsqu’elle rentrait, elle passait des heures assise dans la chambre de sa mère, lui racontant sa journée. Souvent, elle l’aidait à se laver les cheveux, elle lui donnait à mangeait. Sans même s’en rendre compte, elle avait échangé les rôles sous les deux yeux de sa grand-mère, s’occupant de sa maternelle avec son sourire insouciant. Parfois, souvent, cependant, elle pleurait. Elle criait. « Maman, pourquoi ne m’aimes-tu pas ? ». « Maman, que t’ai-je fait… ? ». Des mots qu’une enfant six ans ne devrait jamais avoir en tête, elle les disait à haute voix. Elle était encore trop jeune pour comprendre que son père l’avait abandonné car il ne voulait pas d’elle, et que, par ce fait, il avait laissé derrière lui la femme qui l’aimait plus que tout au monde. Elle ne réalisait pas que, quelque part, dans ses pensées les plus profondes, sa mère maudissait peut-être, voir sûrement, sa naissance. Pour elle, elle avait toujours existé, quelque part dans le monde. Elle était née parce qu’elle été voulu, et sa mère l’aimait plus que tout. Mais elle était malade. Oui, voilà, elle était malade…

Bientôt sept ans, le ciel laissa sa pluie tomber sur les cheveux d’une jeune fille accroupie, couvrant ses larmes salées de sa propre tristesse. Na Yung était alors devant la tombe de sa grand-mère, ayant offert son dernier souffle dans un sourire éternel. L’enfant pleurait, criait, mais fut calmée une fois rentrée chez elle, une fois enfouis dans les bras de sa mère au cœur toujours si froid. Cette nuit-là, elle dormit pour la toute première fois dans le même lit que la femme qu’elle chérissait plus que tout, ses petits bras la serrant fortement contre elle. Bien-entendu, sur terre, aucune enfant de si jeune âge ne peut s’occuper d’elle-même, ni même payer les factures et tout ce qui existe dans le monde des grands. C’est pourquoi, le lendemain et à la première heure, des gens habillés de noir virent l’enlever de son nid douillet, sa maison, son passé et ses souvenirs. Ils l’enlevèrent à sa mère qui finit dans un hôpital spécialisé. Pour ce faire, c’est une petite fille hystérique qu’ils durent porter à deux pour pouvoir la mettre dans la voiture, balançant sur son petit corps le seul objet qu’elle chérissait : une petite peluche offerte par sa mère à sa naissance. Son premier et seul cadeau de cette maternelle. À son poignet trônait toujours ce petit bracelet qu’elle avait un jour pris dans la boîte à bijou de sa tutrice. Et c’est ainsi qu’elle découvrit un tout nouvel univers, une toute nouvelle famille avec un papa, une maman, et un grand frère qui ne souhaitait que la chérir. La chérir ? Oui, mais quelle blague pour Na Yung. Elle ne jurait que par sa propre mère, déprimait dans sa nouvelle chambre, criait pour qu’on la laisse retourner à ses côtés. Aux côtés d’une femme qui pourtant ne lui a jamais offert un seul sourire. Un sourire… ce fut la ruse de sa famille d’accueil. Un jour, les deux parents entrèrent dans sa chambre et se posèrent sur son lit. « Tu pourras revoir ta maman un jour. Mais tu dois être heureuse et sourire pour qu’elle aille mieux et que tu puisses la rejoindre. N’est-ce pas le souhait de toute mère, que de voir son enfant heureux ? ». Des mots qu’une fillette de sept ans encore naïve cru à la lettre, et des mots qu’elle applique encore à ce jour. Elle grandit donc dans une petite ville coréenne, quelque peu campagnarde, entourée de ses nouveaux amis et de sa nouvelle famille, mais chérissant toujours le souvenir de sa maman. Elle entre ensuite dans ses études, dans une école d’art, ayant trouvé goût à la musique dans ses années de bonheur.

Mais comment a-t-elle atterrit sur cette île sans merci ? Comme chaque étudiant qui a dû poser ses pieds sur ces terres. Peu après avoir soufflée sa seizième bougie, elle fut sortie de son lit sous les yeux écarquillés des trois membres de sa famille, et de leurs larmes. Elle ne pleurait pas. Mais son cœur se brisait dans de petits éclats. Pour la seconde fois de sa vie, elle devait quitter des gens qu’elle aimait, mais cette fois-ci, pour un monde auquel elle pensait pouvoir échapper. Dans son sac, elle ne manqua pas de mettre les quatre choses qu’elle chérissait le plus. La peluche offerte par sa mère, ainsi que son bracelet, puis l’iPod offert par ses nouveaux parents, et son journal intime, dans lequel elle avait pris l’habitude d’écrire ses aventures. Des aventures qui n’en avaient pas été, jusque-là. Une fois son sac remplie des affaires qu’elle souhaitait voir la suivre, elle fut enfouis dans un sac noir et jeté dans un véhicule. Elle eut à peine le temps de faire un bref adieu à sa famille. Ces hommes ne rigolaient décidément pas. Elle se retrouva droguée, sur un bateau, et n’en sortit qu’une fois arrivée à l’île, en compagnie de plusieurs autres étudiants. Elle serrait contre son corps son sac, espérant qu’il puisse créer une quelconque magie qui la réveille, ou la ramène chez elle. Mais rien ne se passa. Elle semblait perdue, ses larmes tentaient de dévaler ses joues. Son petit corps tremblait et ses yeux découvrait petit-à-petit les lieux, cherchant la raison du pourquoi. Lorsqu’elle apprit qu’elle devait quitter cet endroit dans la quinzaine de minutes, avec un second sac, une carte et des instructions, elle courut contre sa volonté. Elle avait été attentive. Elle avait tout compris aux règles du jeu - si on pouvait appeler ceci un jeu -. La survie la ramènerait à ceux qu’elle aimait. La force allait lui donner la vie sauve. Sa double-personnalité prit alors vie.