Comme mon nom l’indique, je suis né et j’ai grandit au Japon. Toutefois, mes origines sont métisses, ma mère étant Coréenne. Je parle donc couramment le coréen, parce que c’est la langue utilisée avec elle à la maison. Mais malgré tout, pendant de très nombreuses années je suis resté avec un coréen très basique. Le genre qui faisait rire les natifs parce que ça donne un peu une impression gamine à l’oral. Je grandis relativement bien, malgré le régime en place au Japon. Mes parents ne s’attirent jamais d’ennuis avec le gouvernement. Au contraire, mon père est plutôt haut placé dans la chaîne des fonctionnaires du pays. Ma mère, en bonne épouse au foyer, entretient la maison et cuisine comme un cordon bleu tout en s’occupant de mon éducation. Je n’ai pas particulièrement de mauvais souvenirs liés à mes parents. Ils sont aimants, mais souvent fatigués. Du moins, c’est l’image que j’en avais quand j’étais enfant. Adolescent, j’ai commencé à comprendre que quelque chose clochait sans réussir à mettre le doigt dessus, pourtant.

J’ai 17 ans lorsque, pendant un voyage scolaire, quelque chose d’étrange se produit. Les élèves tombent tous endormis un à un. À ce moment, je ne me doutais pas de ce qui se passait, n’ayant aucune raison en particulier d’être soupçonneux de quoi que ce soit. C’est lorsque je me réveille dans une classe et qu’on m’explique que pendant un week-end tout au plus, notre classe avait été sélectionnée pour s’entretuer que j’ai compris dans quoi j’avais été embarqué de force. Battle Royale. Un jeu dénué de toute humanité dans lequel il fallait sortir victorieux ou mourir. Il y a eu des suicides, au tout début. Puis, ils ont fait place aux meurtres. D’abord des meurtres de nécessité. Puis, les élèves restants ont rapidement compris que certains y prenaient presque du plaisir. Ça n’a pris qu’une poignée de jours pour que des élèves normaux se transforment en bêtes assoiffées de sang. C’était terrifiant.

Mais je suis encore ici, en effet alors vous vous doutez sûrement de la façon dont cette glauque aventure s’est terminée pour moi. Il ne faut pas croire que je suis un de ces élèves qui s’amusaient. Mais quand on est confronté à la mort, il n’y a que deux façons de réagir. La laisser venir ou la combattre pour regagner un certain droit sur notre vie. Je n’ai pas triché. Je n’ai pas trahit. Je n’ai pas attaqué de dos. Et je n’ai certainement pas trompé. Mais j’ai tué. Il n’y a pas grand chose qui excuse ça. J’y ai aussi perdu beaucoup. Des amis de toujours, en premier lieu mais aussi ma petite amie. Lorsqu’on s’en sort, on réalise que tout compte fait, il aurait peut-être mieux valu y rester. On nous envoie à l’hôpital avec une carte autographiée par le dictateur dans les mains et après notre transfert, on nous oublie complètement. Les acclamations ? La gloire ? Ceux qui pensent sortir d’ici et être vu comme des héros se trompent allègrement.

Je suis resté de longs mois à l’hôpital dans un sale état. Deux balles m’avaient traversé le corps, on m’avait lacéré la peau à coup de couteau, brisé un bras avec un grosse pierre, cassé quelques côtes à coup de pied... Il n’y a pas de basses façons d’arriver à survivre, probablement. En rentrant chez moi, j’en ai profité pour brûler cette foutue carte que quelques imbéciles avaient placés sur ma table de chevet. Je rentrais dans un foyer vide, néanmoins. J’avais appris, peu de temps après mon hospitalisation, que mes parents avaient fortement protestés contre mon départ pour intégrer le jeu. Trop fortement. Ils ne s’encombre pas inutilement, au Japon. Ensuite, des rumeurs ont circulées comme quoi les parents du gagnant du BR étaient anti-gouvernement. C’était peut-être ça qui clochait. Mais comment savoir si c’était la vérité ou encore une autre propagande cherchant à excuser leur meurtre ?

J’ai été transféré dans une petite ville au nord du Japon. Le dépaysement d’avec Tôkyô aurait pu être grand, mais je n’en avais pas grand chose à faire, rendu là. Toutefois, je voulais quitter ce pays. C’est ma double nationalité qui m’en a donné l’opportunité. Et peut-être aussi le fait que je parte pour un pays qui avait un régime semblable à celui du Japon. Un pays « frère ». Là-bas, il n’y aurait pas de fuites possibles. Je me ferais étouffer dans mon sommeil avant que ça arrive. Alors je suis parti pour le Nouvel Empire de Corée avec quelques effets personnels et la franche intention de recommencer une vie nouvelle. Ou du moins, d’essayer. Parfois, vous savez, on se demande un peu pourquoi le sort s’acharne. Amer ? Pire que ça. J’avais les pieds en Corée depuis un mois, à reprendre l’année scolaire que j’avais forcément échoué, lorsque mon numéro étudiant a été sélectionné.

J’aurais dût me renseigner sur le régime Coréen. Je le savais semblable au nôtre, au Japon. Mais je ne savais pas vraiment comment le Battle Royale fonctionnait. Je l’ai su bien assez tôt à mes dépends. Des hommes sont entrés chez moi, s’invitant sans vergogne. J’ai vite compris. Ils n’étaient pas de ceux qu’on contredit. Alors j’ai fait mon sac, essayant de rester aussi lucide que possible avant de les suivre. La dentelle, ce n’était pas leur truc. J’ai un peu bousculé, mais ils m’ont vite découragé. Puis il y a eu ce bateau, ces explications surréelles qui me faisaient tant pensé à celles déjà entendu une fois. L’envie de massacrer cette carte de mode qui nous servait cette fois de Superviseur, aussi. Puis, ils nous ont tous largués en même temps, une autre nouveauté. J’aurais pu paniquer. J’avais de bonnes raisons de le faire, mais j’ai réussi à nager jusqu’à la rive.

Puis à me cacher. Et maintenant... il faudra lutter une seconde fois. Je ne vendrai pas ma peau si facilement. Le désespoir ? Déjà dissipé. Si je sors d’ici, je consacrerai le reste de ma vie à essayer de leur porter un coup fatal. J’en trouverai bien d’autres, des comme moi. Après tout cette fois, ils font l’erreur de laisser sortir un groupe d’élèves. Des hommes et des femmes qui ont dût confier leur vie aux autres membres de ce groupe. Et qui sait où cette confiance peut nous mener...