Un matin, en rentrant du travail, j’ai découvert la chambre de mon fils complétement vide. Les draps froissés et glacés laissaient deviner que sa couche était déserte depuis plusieurs heures. Son sac à dos pour le lycée avait disparu. Son uniforme aussi. Quand mes yeux se sont posés sur sa table chevet, je ne trouvais ni l’habituel mousqueton, ni le masque chirurgical noir, ni son lecteur de musique. Comme à chaque fois qu’il partait au lycée.

Pourtant, j’ai compris ce matin-là que cette absence n’était pas habituelle. Seung Joo n’était pas habitué à partir de si bonne heure pour le lycée. Les vêtements jetés en pagaille sur le sol n’avaient rien de normal. Quand je me suis approchée de la fenêtre, le crochet était encore en place. Quelque chose clochait.

Ce n’est que quand j’ai jeté un coup d’œil à son bureau que j’ai vu. Un « Parti à BR » griffonné en noir sur le papier corné d’un post-it.

Quand mes yeux se sont posé ce papier, je me suis maudite. Pour avoir un travail de nuit, pour avoir  épousé un homme absent cette seule semaine. Mais surtout, pour avoir prononcé plusieurs fois ces mots face à mon fils ; « C’est à cause d’élèves comme toi que la loi Battle Royale existe ! »

Je ne pense pas être une mauvaise mère. Je suis aimante. Mais j’ai toujours été un peu désemparée face à certaines conduites de mon fils. Quand il n’était qu’un enfant, il était déjà très agité. Le confier à un psychologue nous a semblé être une bonne idée, à mon époux et moi. Un professionnel nous aiderait à gérer l’hyperactivité de Seung Joo. Au bout de quelques séances seulement, il nous a proposé d’inscrire notre fils à un club sportif pour qu’il puisse dépenser et mieux canaliser son énergie. C’est ce que nous avons fait.

Plus les années ont passées, plus notre fils a cultivé un goût pour le risque. A l’âge de quatorze ans, il nous a demandé de prendre part à quelques excursions de sport extrême. Ca le défoulait totalement. Une fois rentré à la maison, il était calme et détendu. Nous étions tranquilles. Tout du moins, c’est ce que nous croyons.

Les choses ont véritablement commencé à nous échapper quand Seung Joo est entré au lycée. Au début, il se contentait d’aligner des notes très moyennes – sauf en sport. Et au fil des mois, les appels des professeurs et les appréciations négatives ont commencé à pleuvoir. Inattentif en classe, insolent, violent envers ses camarades. Nous voyions notre fils partir à la dérive vers de mauvais rivages sans savoir quand il nous fallait rattraper la corde. Et quand bien même nous tendions la main pour le hisser vers le bord, Seung Joo n’était bon qu’à nous tourner le dos. Je n’ai pourtant jamais eu l’impression qu’ils nous en veuillent pour quoi que ce soit. Sauf peut-être de trop le couver.

Je sais que mon fils n’est pas fondamentalement mauvais. Peut-être trop influencé par de mauvaises personnes. Je sais aussi que je m’en veux d’avoir été incapable d’agir face à cet état des faits. Quoi qu’il en soit, je sais que mon fils ne méritait certainement pas d’être entraîné sur cette île, quoi que j’aie pu en dire.

Je ne préfère pas imaginer ce qu’il adviendra de mon fils là-bas. Souvent, je me complais dans l’idée qu’il en ressortira avec toute son innocence, tel un héros. Mais je me doute que ça ne sera pas possible. Si je n’attends de lui que qu’il s’en sorte, quoi qu’il lui en coute, je ne suis pas sûre qu’il soit capable d’agir ainsi par lui-même. Faîtes qu’il ne tombe pas entre de mauvaises mains.