There's nothing that I'd take back, but it's hard to say there's nothing I regret. Cause when I sing, you shout, I breathe out loud, you bleed, we crawl like animals, but when it's over, I'm still awake. A thousand silhouettes dancing on my chest, no matter where I sleep, you are haunting me

Un peu plus d’une semaine que je suis ici, et j’ai déjà l’impression de devenir folle. Y a des cadavres partout, des morts atroces, rien de propre, rien de compatissant, juste de la barbarie. Les gens s’entretuent et se dévorent entre eux, ils jouent le jeu, ils ont accepté leur condition, ils ont accepté de servir de bétails et d’activer eux-mêmes l’abattoir. Et le pire, c’est que je crois que j’y participe aussi. Depuis que je suis arrivée, j’ai mis mon nez un peu partout, j’ai piqué quelques rations de nourriture et d’eau. J’ai privé des personnes de leurs rations de survie… Mais je n’ai encore tué personne. Est-ce que ça fait tout de même de moi un monstre ? La seule hantise qui me vient à l’esprit, c’est d’être « éliminée » par les organisateurs parce qu’ils s’ennuient. Et bien tant pis, je serai éliminée s’il le faut, mais je n’utiliserai pas mon kruger sauf en cas de légitime défense. Légitime défense… C’est le mot non ? Que la justice utilise pour disculper quelqu’un d’un meurtre accidentel. Mais elle est où la justice là-dedans ? Tout ça, c’est depuis que la Corée du Nord s’est reliée à nous de toute façon. Ma mère les aimait déjà pas et a très mal supporté que les deux nations se remettent ensemble, mais alors là… J’espère juste qu’elle ne va pas faire de bêtises. Au final… C’est un beau reflet de la société. Bancal… Vénal… Conformiste… Cruel. Et moi dans tout ça ? Je suis comme les autres, je subis et je joue le jeu. Mais jusqu’à quand est-ce que j’arriverai à tenir mon pion sur le plateau de jeu ? En tout cas je refuse de tuer. Ma seule chance est donc de désarmer et de voler autant de personnes que possible. Et cette fois… Ce fut toi.

Parfait inconnu, pas même agressif ou mauvais, seulement endormi dans cette cachette sommaire que tu avais dû trouver pour la nuit. Peu de personnes osaient s’aventurer ici, déjà parce qu’ils risquaient de tomber sur d’autres personnes et ensuite parce que le terrain de jeu était aussi dangereux que gorgé de ressources. Remarque… C’était pas mal comme salle d’entraînement. Pendant quelques instants, je l’avoue, je m’étais perdue dans les souvenirs de mes concours de gym. A cette époque… Je volais entre les obstacles, je jouais avec le vent, avec l’air, avec mon corps… Et ici, j’allais recommencer. Sauf que je n’aurais aucune médaille en arrivant au sol et que je risquais de mourir. Personne pour me secourir si jamais je me blessais. J’étais fichu si ça arrivait. Accroupie sur une poutre qui tenait encore que par des chaînes rouillées trop solides pour céder sous mon poids, je fixais le vide qui s’étendait devant moi à perte de vue, satisfaite de ne voir strictement rien bouger. Tu étais bien caché et si je n’étais pas passée par les hauteurs je ne t’aurais sûrement jamais détecté. Mais voilà… Tu dormais, ou tu étais mort, je ne le savais pas encore, et ton sac était sagement à côté de toi. Tu étais… Peut-être 15 mètres en dessous ? Et trois autres poutres me séparaient du sol. Trois poutres qui me serviraient aussi bien que des marches d’escalier. Ca faisait court, mais je pouvais y arriver… Je l’avais déjà fait sur des  Je me redressais alors doucement et je prenais une inspiration, avant d’écarter les bras et de me laisser tomber dans le vide en avant. Mes mains s’agrippèrent alors à la poutre du dessous, mon corps par en dessous cette dernière dans un élan incontrôlable. Je lâchais alors la poutre qui m’avait servi de rattrapage et mon corps se redressa lentement dans le vide avant d’atterrir sur une des chaines qui maintenait la dernière poutre dans un petit bruit de cliquetis qui résonna dans les environs.

Je me laissais alors glisser le long de la chaine jusqu’à ce que mes pieds touchent la poutre, et je me glissais au sol, à un mètre de haut à peine. Mes yeux se posèrent alors aussitôt sur toi. Tu n’avais pas bougé… Tes yeux semblaient fermés, mais ton torse se soulevait régulièrement au rythme de ta respiration. Vivant donc… Alors je ne te prendrais que la moitié de tes vivres. J’avais laissé mon propre sac, y compris le kruger, dans une petite cachette, pas loin du chantier, des fois que j’ai besoin d’y retourner en vitesse, je ne pouvais donc que me contenter de peu de choses de toute façon. Sur la pointe des pieds et, il faut l’avouer, avec l’allure d’une sauvage en pleine chasse – putain que ça devait être ridicule… - je me glissais jusqu’à ton sac que j’ouvrais lentement, déportant enfin mon attention de toi. Je fouillais alors l’intérieur de ce coffre au trésor, sans avoir remarqué que maintenant tes yeux étaient ouverts. Mais depuis quand l’étaient-ils… ?

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C’est fou de se faire prendre aussi facilement quand même. Il semblait tellement bien dormir… Je n’avais qu’à me servir et repartir à pas de loup comme lorsque j’étais arrivée. Mais non… Il faut croire que ce type a le sommeil léger. En entendant sa voix, c’est un sursaut intégral qui me prit puisque je lâchais ce que j’avais dans les mains en écarquillant les yeux. Mais je n’eus même pas le temps de me redresser, de me tourner ou même de penser à fuir qu’un bout de métal froid se posa sur mon épaule. Mon cœur se mit alors à battre la chamade, je me sentais presque molle, comme si l’adrénaline des quelques secondes précédentes s’était transformée en anesthésie générale. Aller, calme toi… Réfléchis. La voix de l’inconnu, un homme visiblement, est hésitante, voir chevrotante. Je n’ai donc pas à faire à un psychopathe ou quelque qui a déjà tué, sinon c’est vraiment que les gens d’ici ont de gros problèmes. A moins que ça soit juste un joueur… ? Je pris alors lentement mon inspiration, je voulu tourner un peu ma tête pour voir ce qui était sur mon épaule, mais la pointe légèrement appuyée sur ma chair m’en dissuada. Valait mieux ne pas prendre de risque. Ni le faire attention, d’ailleurs…

Je repris alors tout ce que j’avais retiré du sac pour le remettre à l’intérieur de ce dernier, avec des gestes lents pour ne pas effrayer mon… Pseudo agresseur ? Puis je referma le sac, stressant légèrement lorsque la fermeture bloqua et que je fus obligée de tirer un peu plus fort dessus pour réussir à passer cet obstacle. Le moindre geste un peu trop énergique au goût du jeune homme pourrait m’être fatal, je le savais, et la panique s’emparait alors lentement de moi. Une fois fait, je le pris alors et lentement je le tendis en arrière, dévoilant un bras muni d’une main fine et d’ongles longs, décorée d’une bague tout ce qu’il y a de plus féminine. Pendant ces quelques secondes, une idée me passa alors par la tête. La main tremblante du jeune homme était apparue pendant quelques secondes alors qu’elle avait tourné légèrement le regard, et visiblement ça ne s’arrangeait pas bien qu’il soit en position de force. Peut-être les nerfs allaient-ils prendre le dessus ? Ou la peur ? Il n’y a rien de mieux que la peur pour manipuler les gens et leur faire faire des conneries plus grosses qu’elles, c’est le but même de cette île. Foutre une peur encore inégalée à des jeunes qui ne savent pas la maîtriser et les observer en faire usage… Enfin bref.

Il n’avait pas l’air foncièrement agressif ou même bien costaud, je ne voulais lui faire aucun mal, mais je ne comptais pas me faire trouer la peau non plus. Alors je n’attendis pas plus longtemps… D’un geste rapide et alors qu’il venait à peine de récupérer son sac à dos, je me tournais et je me redressais légèrement sur mes jambes en lui chopant les deux poignets de mes deux mains, glissant deux doigts contre les siens, ceux qui tenaient les ciseaux, pour éviter qu’il ne me les plante dans le poignet, sait-on jamais. J’avais pris une position de force en prenant de la hauteur sur lui puisqu’il était toujours assit et mes bras poussèrent aussi fort que possible pour tenter de le faire basculer en arrière. Je n’avais rien tenté pour prendre ses ciseaux, que je voyais clairement maintenant puisqu’ils étaient proches de mon visage, et la seule chose que j’espérais c’est qu’il ne s’avère pas plus fort ou plus grand que moi. Sinon je m’exposais à de sérieux problèmes. Mais qui sait ce qu’il aurait fait une fois qu’il aurait récupéré son sac ? Les plus nerveux et les plus peureux sont les plus dangereux. Ils peuvent se taper parfois des poussées d’adrénaline surprenantes, expérience à l’appui, j’étais largement meilleure lors de mes compétitions de gymnastique que lors des entraînements. Et à ce moment-là… C’était exactement la même chose. Je me sentais pousser des ailes. Bien sûr, ces ailes pourraient facilement être brisées, mais je n’en n’avais pas forcément conscience dans l’instant. J’avais plus l’impression de voir un film se dérouler devant mes yeux, de me sentir ailleurs, comme une simple spectatrice, comme dans un rêve, dans lequel je pouvais me rapprocher et m’éloigner de la scène sans être vue ni sans prendre les coups. Mais là… C’était loin d’être le cas.

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Mais qu’est-ce qui m’avait pris de m’attaquer à ce mec ? A un mec en général de toute façon ? J’avais un peu de muscle dans les bras et les jambes, des abdos aussi, mais rien de sensationnel et face à un homme je ne faisais clairement pas le poids. Quel est ce dicton que sa mère lui répétait souvent déjà ? « L’habit ne fait pas le moine » ou quelque chose du genre. En gros que les apparences pouvaient se montrer très trompeuses. Je venais d’en avoir la confirmation en pensant pouvoir prendre le dessus sur ce jeune homme qui m’avait, au premier abord, semblé bien trop gentil et peureux pour oser une quelconque répartie. Je ne comptais pas lui faire de mal, juste lui foutre une belle peur, piquer ce que j’avais prévu de prendre et me sauver. Mais comme quoi, je m’étais fait avoir à mon propre jeu… La prochaine fois, je serai plus discrète. Enfin… Si prochaine fois il y a. Parce que pour le moment, je sentais simplement que je perdais le contrôle. Je ne m’attendais pas à subir un effet de traction et sans m’en rendre compte je m’écroulais sur cet inconnu qui eut tôt fait de retourner la situation. Les ciseaux scintillaient dangereusement entre nous, mais il ne semblait pas prêt à les enfoncer où que ce soit dans ma chair. Mon cœur avait raté un bond, il battait la chamade, mais rapidement l’inconnu lui donna de quoi se calmer. Sa voix au ton doux, bien que le jeune homme semble dépassé par les événements, n’avait rien d’une mise en garde ou d’un adieu auquel je m’étais attendu. Au contraire… Il se voulait rassurant. Et ça se sentait autant dans sa voix que dans ses gestes. Il n’avait esquissé aucun mouvement violent, rien de brutal, juste de quoi reprendre le dessus et se défendre. Il aurait pu prendre panique et me planter dans le doute, mais il ne l’avait pas fait. Au lieu de ça… Il se présentait.

Je sentais alors mon souffle, qui s’était accéléré lors de notre petit rapport de force, redescendre en même temps que la peur et l’adrénaline. Mais ça ne suffisait pas… Je jetais un petit coup d’œil sur lui, puis sur les ciseaux qui étaient toujours dangereusement entre eux, puis de nouveau sur lui. Et enfin, elle sentit quelque chose de chaud lui couler le long de la joue dans un petit effet de brûlure. Elle loucha alors légèrement pour voir que la peau de son visage était légèrement entaillée. Elle ne s’en était pas rendu compte lors de leur petite bataille, sûrement parce que la lame l’avait à peine frôlée bien qu’assez pour faire jaillir un peu de sang, mais maintenant elle sentait l’ouverture un peu à vif. Mais rien de grave comparé à la situation dans laquelle elle se trouvait. Lorsqu’enfin Hyun Ki, puisque c’était ainsi qu’il se présenta, termina de parler, et elle reposa un regard apeuré sur lui. Son plan avait foiré de A à Z, elle ne savait absolument pas comment tout ça allait terminer, mais il avait l’air tellement… Gentil. Je refermais alors ma bouche qui était restée ouverte pendant de longues secondes me donnant l’air d’un poisson hors de l’eau, et je déglutissais légèrement avant de répondre, la voix chevrotante.

Se… Se Hee… Je m’appelle Se Hee… Je suis là depuis le premier… De ce mois…

Rien à faire. J’avais beau tenter de respirer, de me calmer, ma voix trahissait encore ma peur et mes mains s’étaient même mises à trembler, bien qu’elles tenaient toujours les poignets de Hyun Ki. D’ailleurs, en remarquant ça, je lâchais lentement prise, me rendant compte que je m’étais agrippé à lui comme un funambule se serait accroché à la corde lors d’une chute. Stupide lorsqu’on sait que c’est la corde elle-même le vrai danger. Je laissais un blanc de quelques secondes entre nous puis je repris finalement la parole, me sentant obligée de m’expliquer.

Je… Je suis désolée, je ne tiens pas à te faire de mal je… C’est juste le seul moyen que j’ai trouvé de survivre sans avoir besoin de m’en prendre directement à quelqu’un…

Je parlais bien évidemment des vols. Premièrement je ne prenais que la moitié des biens des joueurs et bien que ça les pénalise quand même pas mal, et ça j’en étais consciente, ça ne les tuait pas directement et il leur restait tout de même quelque chose, deuxièmement je ne m’attaquais à personne. Lorsque je voyais que le vol était impossible, je rebroussais simplement chemin. Mon kruger ne m’avait pas encore servi et je ne comptais pas l’utiliser sauf en cas de légitime défense.

Tu… Tu veux bien te retirer ? S’il te plait…

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C’est marrant, mais tout revenait presque à la campagne. Sans le danger environnant constant on aurait même presque pu se croire en simple sortie de camping. Le jeune homme, qui avait surpris Se Hee en réussissant à la garder au sol alors qu’il semblait tout doux et tout fragile, s’était poussé après un petit moment, sûrement sous la méfiance et il avait tout à faire raison, et la jeune femme sentit alors un soupir de soulagement qu’elle ne contrôla pas s’échapper de ses lèvres. C’est tout un assortiment d’émotions qui s’enfuyait de son corps. Un poids avait quitté ses épaules, le vrombissement de panique qui torturait son esprit s’était stoppé net, les battements affolés de son cœur se calmaient petit à petit, ses membres devenaient moins engourdis et enfin une boule désagréable quittait le creux de son ventre. Elle se redressait alors lentement pour être assise aussi, et tourna la tête vers l’inconnu avec une profonde reconnaissance, qu’elle ne se connaissait pas.

Une femme est toujours une bonne actrice. Et Se Hee pouvait aussi faire croire ce qu’elle voulait à n’importe qui lorsque c’était très important pour elle. Mais en l’occurrence… Elle ne voulait pas faire de mal à cette bouille adorable. Elle n’aimait pas mentir non plus, donc jouer le jeu ne lui avait même pas frôlé l’esprit. Elle eut un sourire discret sur les lèvres lorsqu’il entama des politesses et elle inclina alors légèrement la tête en guise de renvoie du respect dont il faisait preuve. Elle savait qu’elle aurait à se justifier à un moment ou à un autre mais elle ne s’en inquiétait pas. Elle n’avait pas à lui mentir, elle était hors de danger. Enfin… Du moins tout laissait présager que c’était le cas. Et puis… Une question la taraudait tout de même : de quelle couleur était-il ? Devraient-ils s’entretuer à un moment du jeu ou avait-elle trouvé un allié ? Ce n’était pas le moment de poser la question, et ne serait-ce que pour s’excuser de la peur qu’elle leur avait occasionné à tous les deux, Se Hee décida qu’elle demanderait ça après que lui ait posé les questions qui semblaient lui brûler les lèvres et qu’il ne tarda d’ailleurs pas à exprimer.

En fait…

Elle releva la tête vers les poutres métalliques du bâtiment et les pointa pendant quelques secondes du doigt avant de reposer sa main.

Je viens de là-haut. Donc… Si ça peut te rassurer, on ne peut pas te voir d’en bas. Et peu de gens ont la capacité physique et mentale de prendre le risque d’une telle chute. Et avant que tu ne te poses des questions, pour moi ce n’était pas un problème puisque je suis gymnaste. Par contre la lutte… Ce n’est pas mon fort, comme tu as pu le voir. Mais… Tu te défendais juste, c’est plutôt à moi de m’excuser, même si le contexte n’y prête pas.

Elle souriait alors légèrement, essayant de détendre l’atmosphère encore un peu lourde de suspicion. Pas facile de prouver sa bonne volonté. Alors comme ça, il essayait de fouiller dans la forêt à la recherche de trucs ? C’était risqué et peu probable de marcher… Elle hésita un instant puis regarda un peu ses mains pleines de petits cailloux qu’elle retira d’un petit frottement.

J’ai rien sur moi, j’ai laissé mes affaires dans un endroit sûr, mais… Enfin… Si tu me montres ta couleur, je peux peut-être surveiller ta sieste en échange ? C’est la moindre des choses que je puisse faire après t’avoir réveillé de la sorte. Je comprendrais que tu n’aies pas confiance ! Mais… C’est tout ce que je peux te proposer, pour le moment…

Elle avait craqué. Il était tellement chou, tellement gentil, tellement doux… Elle n’avait plus aucune envie de le voler et l’envie de le tuer qui n’était jamais apparue dans la tête de la jeune femme n’allait même plus être sur la liste des possibilités de dernières minutes. Et puis… Elle rencontrait enfin un visage amical. Elle était mentalement fatiguée de devoir être paranoïaque à longueur de temps alors que d’ordinaire elle ne se méfiait de rien, et un peu répit ne lui ferait pas de mal.

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C’est comme un poids qui s’envole de ses épaules, comme une éclaircie qui transperce les nuages afin d’illuminer ce petit coin sombre qui jusqu’à maintenant émanait une étrange sensation d’insécurité. Se Hee se sentait à l’aise avec ce garçon, il avait la parole facile, le son de sa voix était doux, les traits de son visage aussi, ses gestes ne trahissaient aucune intention de faire du mal à qui que ce soit… Peut-être avait-elle tort, mais la gymnaste laissait filer le courant de sa peur petit à petit. Et plus il parlait, moins elle se sentait en danger. Seulement le jeune homme fit rapidement remonter à la surface les dangers des alentours et, machinalement, Se Hee releva la tête vers les poutres qu’elle avait utilisées en haussant légèrement les épaules. Un sourire s’était installé sur ses lèvres alors qu’elle regardait de nouveau son interlocuteur, attendant qu’il ait terminé ce qu’il disait pour répondre. Elle savait parfaitement que ce qu’elle allait dire allait peut-être mettre un froid entre eux, bien que ça ne concerne pas l’infime lien qui les réunissait, mais elle préférait garder une certaine franchise dans ses mots plutôt que de mentir ou d’inventer de belles histoires auxquelles elle ne croyait pas elle-même.

J’ai appris à ne plus faire attention à ce genre de détails. J’avance, la tête dans les nuages, et plus rien n’existe autour de moi, c’est comme si le vide n’était rien d’autre qu’un sol. Je pense que tu serais sûrement moins inquiet si tu savais tout ce que je peux faire sur une corde de deux centimètres de de largeur. Franchement… Ces poutres-là, c’est de la rigolade. Et pour ce qui est de leur dangerosité, je l’ai évalué. Et j’en ai conclu que si jamais je devais mourir, en considérant le fait que je n’ai pas le courage de me suicider, je préférerais que ça soit net en faisant une mauvaise chute depuis laquelle je serais sûre de ne pas pouvoir me rater plutôt que par les mains d’un taré qui pourrait me faire souffrir.

Pendant qu’elle parlait, ses yeux s’étaient légèrement brouillés d’un voile mystérieux. Le regard un peu perdu, elle s’imaginait en train de chuter, comme pour un dernier vol en plein air, et bizarrement cette image ne lui faisait pas peur. Elle se sentait même rassurée à l’idée qu’elle puisse avoir une mort aussi… « Planante ». Des chutes elle en a déjà fait plein, et à chaque fois, même après s’être blessée plus ou moins gravement, elle s’en est amusée. La raison ? Les quelques secondes qui la rapprochent du sol jusqu’à l’impact finale. Juste avant que ses os ne subissent le choc, juste avant que sa tête ne ressente l’engourdissement du fracas de sa peau sur le sol froid, juste avant que la douleur ne monte à son cerveau, il n’y a que les quelques secondes pendant lesquelles elle se trouve dans les airs, bras tendus sur les côtés si elle chute en arrière ou devant elle pour essayer de se rattraper si elle chute en avant, ces quelques secondes pendant lesquelles l’air repoussée par son cœur s’infiltre dans ses cheveux, ces quelques secondes pendant lesquelles sont cœur est serrée, ces quelques secondes pendant lesquelles elle a simplement quitté la terre, pendant lesquelles plus rien ne la relie au monde, ces quelques secondes pendant lesquelles elle a l’impression de voler, d’être un oiseau et d’échapper à tout ce qui l’entoure. Pour elle, c’était encore la meilleure façon de mourir. S’envoler et fermer les yeux pour ne pas voir l’impact qui arrivait droit sous son corps. Elle aurait pu se jeter du falaise, du coup, mais l’idée même de se priver elle-même de cette sensation l’avait stoppée net dans sa réflexion. Elle était donc encore là, en présence de cet inconnu qu’elle commençait de plus en plus à apprécier au fil de ses paroles. Finalement, elle reposa son regard profond dans celui du jeune homme et se contenta d’acquiescer lorsqu’il parla des risques. Se sentant encore redevable, elle promena quelques secondes son regard sur les alentours puis se releva doucement, sans gestes brusques pour ne pas l’effrayer, et lui tendit simplement la main.

Personne n’est capable de monter par où je suis passée sans savoir grimper ou sans être accompagné de quelqu’un qui sache le faire et qui soit aussi capable de guider. Mais… Si tu te sens capable de grimper, je peux t’emmener où je me suis perchée. Il n’y a pas meilleure cachette que les hauteurs, personne ne pense à t’y chercher. Je peux te montrer les prises les plus simples… Enfin, sauf si tu veux rester seul.

Cette idée ne lui avait pas traversé l’esprit mais maintenant qu’elle l’avait en tête, Se Hee commença à baisser lentement sa main, consciente qu’elle pouvait paraître trop confiante pour le coup.

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Il semble tellement gentil, tellement confiant et amical. Se Hee sentit son cœur se serrer à la simple idée de le perdre. Et pourtant elle ne le connaissait pas du tout ! Elle s’était fixé une règle importante : celle de ne se faire aucun ami, pour ne pas avoir à souffrir de sa perte. Et voilà qu’elle la bravait au premier sourire d’un visage tendre. Elle se projetait un peu vite, il faut l’avouer, mais qu’est-ce que ce jeune homme pourrait bien devenir d’autre ? A ce stade, la jeune femme était certaine que jamais ils ne se tireraient entre les pattes. Sauf si tout était faux… Il semblait penser de la même façon qu’elle, raisonner de la même façon, réagir de la même façon. Ils avaient tout pour s’entendre, pour l’instant. Alors qu’il semblait perdu dans ses pensées, un léger sourire s’installa de nouveau sur le visage de la jeune femme qui devina bien vite ce qu’il était en train de s’imaginer. Les traits discrets mais un peu tirés de son visage ne pouvaient être que le résultat de la vision d’une chute longue et mortelle.

La visite de sa petite tête passa bien vite et Se Hee s’apprêtait à rabaisser sa main en voyant que l’inconnu ne semblait pas très enthousiaste à l’idée de la suivre, mais finalement des doigts vinrent attraper les siens. Elle baissa alors les yeux vers cette main qui, pour elle, signifiait comme un pacte de confiance et d’entraide. Il avait accepté de faire un bout de chemin avec elle, dans un domaine qui lui était propre et que, paradoxalement, lui ne connaissait absolument pas. Il avait décidé d’accorder sa confiance à cette fille de par son simple sourire et ses douces paroles, de par un simple jeu de pile ou face. L’étudiante sentit alors son cœur se soulever dans sa poitrine, et elle aurait sans doute pu pleurer de joie si le moment s’y prêtait. Indirectement, son être entier était soulagé de ne plus être seul. Inconsciemment, ses sens étaient apaisés de ne plus avoir à tout gérer seuls. Elle ne savait pas pour combien de temps, elle ne savait même pas ce qu’il pouvait bien valoir, mais peu importe. Elle n’était plus seule.

Elle acquiesça alors d’un signe de tête au raisonnement juste et logique de Hyun Ki. Alors qu’il avait lâché sa main, elle ramassa le sac du jeune homme pour le lui tendre et s’avança vers une charpente métallique creusée dont la forme intérieure faisant penser à une échelle. Elle s’arrêta devant et promena son regard sur le décor qui s’offrait à elle. La montée est toujours plus difficile que la descente, c’est le principe même de tout. Des escaliers, des rues, des toboggans, et même de l’échelle sociale. Se Hee resta concentrée pendant quelques instants puis reposa finalement ses yeux sur son élève. Elle se souvint des premières règles que lui avait appris son professeur de gymnastique la première fois où elle était montée sur une corde raide à 20 mètres du sol et jugea bon de les transmettre à ce nouveau débutant.

Bien… Première règle, cruciale : tu ne regardes jamais en bas. Tu dois uniquement regarder au-dessus de toi. Pas seulement pour éviter le vertige, mais surtout pour évaluer rapidement quelle prise est la mieux. Il se peut que tu sois obligé de passer sur une prise qui ne soit pas des plus stables le temps d’en attraper une autre, et quand c’est comme ça il faut réfléchir vite, donc pas le temps de regarder si en arrivant en bas tu ressembleras plus à une crêpe ou à une galette. Normalement tu ne devrais pas avoir ce problème puisque je passe devant mais… C’est important de savoir ça. Tu restes concentré… Mais tu n’oublies pas de regarder ce qui se passe autour de toi.

Le mauvais souvenir d’un ballon lui frappant la tête lui revint à l’esprit et Se Hee grimaça légèrement. Son professeur avait jugé bon de lui prouver qu’elle devait rester attentive à tout ce qui l’entourait et qu’à plusieurs mètres du sol, que ça soit sur une corde raide ou n’importe quoi d’autre, il peut arriver des choses insoupçonnées. Un oiseau, un jouet volant, ou même une bourrasque de vent. Autant de risques évaluables qui pouvaient être évités par un simple coup d’œil prudent aux alentours. Et ici, le plus dangereux se démarquait sous la forme d’une flèche ou d’une balle, perdue ou pas… C’est plus facile de descendre que de monter. En descendant on peut voir ce qui s’étend devant nous. En montant, on tourne le dos au monde. Finalement, Se Hee laissa tomber l’énumération des règles et reposa un regard doux sur Hyun Ki.

Tu ne réfléchis pas et tu te concentres uniquement sur les prises pour me suivre, d’accord ? Je vais essayer de ne pas aller trop vite mais on ne doit pas traîner, tant qu’on aura le dos tourné à ce qui s’étend derrière nous, on sera en danger. Si tu te sens glisser, tu n’hésites pas et tu cris ou tu m’appelles. Je saurai te rattraper. Des questions ?

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En plus d'être sympa et gentil, il était courageux. Il n'avait pas une seule fois semblé s'inquiéter de son sort qui allait être totalement entre les mains d'une inconnue, et il avait écouté ses conseils avec attention, et il était prêt à se lancer. Se Hee se surprit à le regarder d'un air un peu rêveur, le sourire aux lèvres. Si elle avait pu connaître un garçon comme ça avant le jeu, il aurait pu rapidement devenir un grand ami. Elle s'apprêta à dire quelque chose mais le voilà qui passait une main dans ses cheveux comme à une gosse. Elle le regarda alors avec surprise, les yeux légèrement ronds, et ses joues prirent la couleur sang, symbole de la timidité. Elle baissa rapidement les yeux, sans oser réagir pour le coup, et prit une inspiration afin d'essayer de faire partir la chaleur qui brûlait son visage. Sentiment qui s'échappa rapidement lorsqu'il émit l'hypothèse qu'elle devrait le lâcher si il tombait et qu'elle n'arrivait pas à le remonter. Elle fronça légèrement les sourcils et fit rapidement non de la tête.

- Il est hors de question que je te laisse tomber alors que c'est moi qui t'entraîne là-dedans. Et puis...

Elle voulu s'arrêter mais elle avait commencé sa phrase. Elle haussa alors légèrement les épaules, détournant de nouveau le regard pour éviter une nouvelle effusion de rougeurs disgracieuse sur ses joues, et termina ce qu'elle avait à dire d'une voix un peu plus basse et timide.

- J'ai pas envie de te laisser tomber de toute façon...

Elle prit une nouvelle inspiration, histoire de s'insuffler du courage, et reporta le regard sur les échafauds qu'ils devaient monter. Pour la première fois depuis sa carrière de gymnaste, Se Hee trouva une raison de fuir autre chose que la vie en elle-même. Elle fuyait maintenant cet aspect timide que Hyun Ki faisait ressortir chez elle et qu'elle n'avait pourtant pas l'habitude de ressentir. Elle se posta devant les géants morceaux de métal et frotta légèrement ses mains sur son pantalon histoire d'en retirer les possibles traces d'humidité qu'il pouvait y avoir... Et elle entama l’ascension. Elle devait se concentrer pour ne pas bondir et s'éloigner de son élève, prenant soin de prendre le temps de poser chaque main et chaque pieds à un endroit précis plutôt que de survoler ces prises. Elle savait qu'elle était suivie et qu'elle n'avait pas le droit à l'erreur, pour elle mais aussi pour quelqu'un d'autre. Elle se sentait responsable et il était hors de question qu'elle se foire. C'était la seule et unique fois ou la peur de tomber la prit véritablement. Autant quand elle est seule elle s'en fiche, autant avec Hyun Ki elle s'interdisait de se louper. Elle réfléchissait, prenant le temps de voir par où se trouvaient les prises les plus accessibles, les moins humides, les plus stables, etc... Dans un silence profond et dans une concentration poussée, ils montèrent ainsi la moitié de l'échafaud jusqu'à ce qu'elle s'arrêta pour le regarder, s'assurer qu'il aille bien, qu'il était bien là, qu'il n'était pas déjà tombé dans un silence intentionnel, de sorte qu'elle ne risque pas sa vie pour lui.

- Ca va ? Tu veux faire une pause ou on continue ? Il reste la moitié...

La descente était bien plus difficile que la montée pour cette partie là. En montant, elle pouvait voir où prendre les prises. En descendant c'était plus compliqué de voir où on mettait les pieds. Mais dans tous les cas le danger résidait simplement dans le fait qu'en descendant elle avait délibérément choisi de prendre des risques alors que pour monter, en compagnie de son nouvel ami, elle avait choisi de prendre toutes les mesures de précaution possibles et imaginables. Même le côté où ils montaient avait été calculé par Se Hee pour que ça soit celui où on avait le moins de chance de les voir.

- Si tu sens que tu risques d'avoir une crampe n'hésite pas, on peut s'arrêter.

There's nothing that I'd take back, but it's hard to say there's nothing I regret. Cause when I sing, you shout, I breathe out loud, you bleed, we crawl like animals, but when it's over, I'm still awake. A thousand silhouettes dancing on my chest, no matter where I sleep, you are haunting me

Pourquoi est-ce que tout le monde, sur cette île, se sentait obligé de devoir la jouer solo ? Premièrement, être seul était beaucoup plus dangereux. Deuxièmement, tous les joueurs de l'île n'étaient pas des psychopathes, troisièmement... Comment Se Hee aurait pu supporter la culpabilité de la mort de quelqu'un ? Elle soupira légèrement et haussa un peu les épaules. Sa réponse la fit rire intérieurement puisqu'elle entendait d'ici sa mère qui n'aimait pas ce genre de réponse mais à qui elle faisait toujours le coup : répondre à une question par une autre question.

- Et pourquoi est-ce que je devrais en avoir envie ? Si j'ai la possibilité de ne pas te laisser t'écraser en bas... Pourquoi je devrais te laisser te transformer en galette ? Que je prenne des risques pour moi ou pour quelqu'un d'autre, c'est quoi la différence ?

La suite se fit en silence. C'est un autre monde qu'arpentait Se Hee à ce moment là. Le vide sous ses pieds, le ciel qui se rapprochait, les prises qui donnaient de la difficulté à l'ascension, ça devrait faire flipper n'importe qui, mais pas elle. Elle devait se concentrer pour ne pas se perdre en rêveries. C'était le meilleur moyen qu'elle avait pour ne plus penser à rien et simplement s'imaginer ce qu'elle aurait voulu voir ou ne pas voir sur terre : l'escalade. Elle n'était pas professionnelle, elle était gymnaste à la base, mais ça en faisait partie et elle avait toujours aimer pouvoir ne plus avoir les pieds sur terre dès qu'elle en avait l'envie. Elle continua donc de grimper lorsque son élève lui dit que tout allait bien, sans poser de question. C'était à lui de voir quand est-ce qu'il voulait s'arrêter ou non, quand est-ce qu'il se sentait de reprendre ou pas. Elle lui avait dit qu'ils pourraient s'arrêter quand il le voudrait et elle ne reviendrait pas sur ses mots. Par contre, lui... Il revint bien vite sur les siens. Se Hee baissa la tête vers lui et se décala sur le côté, se lâchant dans le vide et se rattrapant au barreaux à deux reprises jusqu'à se retrouver à ses côtés, très proche de lui. Elle tourna sa tête vers le jeune homme et vint remettre une de ses mèches en place doucement pour ne pas qu'il soit gêné. Un léger sourire rassurant s'afficha sur le visage de Se Hee qui écouta ses explications et haussa un sourcil. Un malade ? Ou juste un stressé ?

- Tu es malade... ?

Si elle devait passer un peu de temps avec lui, autant qu'elle sache ce qu'elle risquait en sa compagnie. Manquerait plus qu'il meurt pendant une escapade ou même une nuit de sommeil simplement à cause d'une maladie pourrie. Ca serait bien dommage pour quelqu'un qui avait réussi à survivre jusqu'ici sur cet enfer humain. Ses bras repassèrent autour de la barre qui lui servait de maintient et elle posa doucement sa tête dessus, plantant son regard sombre dans celui de son compagnon avec une douceur presque fraternelle.

- Respire calmement... Si tu sens tes poumons un peu oppressés c'est normal, c'est parce qu'on prend de la hauteur. Ca va passer, ton corps va s'habituer... Respire doucement... Si tu veux tousser, tousse.

Se détachant de sa barre, Se Hee se décala un peu, pour se rapprocher de son élève, et glissa un bras autour de la taille de Hyun Ki, son autre main tenant fermement le barreau qui la reliait à sa vie. A leur vie.

- Tousses si tu as besoin de tousser. Je te tiens, tu ne tomberas pas... Je te le promet.